Faire à nouveau société politique, ensemble.
« C’est la culture qui crée le manteau empathique de sociabilité grâce auquel les gens peuvent s’engager en confiance les uns par rapport aux autres, tant sur le plan du marché que dans la vie publique[1]. »
Dans l’histoire d’un pays, d’une société, la crise ‒ krisis ‒ est une phase décisive, l’instant où tous les changements deviennent possibles, à la fois porteurs de dommages et de solutions innovantes, d’utopies libératrices. En ce qui nous concerne, ces dernières années, mondialisation et révolution numérique ont laissé des traces, malmenant quelque peu les valeurs républicaines et en particulier celle de l’égalité. Chaque jour, le fossé entre les plus démunis et les mieux pourvus, toujours plus riches, a été creusé nous éloignant de la décence commune. La crise actuelle, climatique certes, mais également culturelle, sociale, démocratique, nous a imposé de changer davantage nos façons de décider, de penser, d’éduquer, etc. En effet, en l’état, notre démocratie résiste de moins en moins à une économie néo-libérale devenue l’unique horizon de notre développement. Chacun se rend bien compte que l’individualisme érigé en art de vivre empêche de penser le bien commun et de prendre les décisions que le bon sens imposerait. Comme le note fort justement Pierre Rosanvallon, pas de refondation possible sans « repolitiser la démocratie[2] », sans reconstituer la vision d’un monde commun par la confrontation et le débat. Le repli, les clivages partisans ou la confusion véhiculée par une langue au format publicitaire ayant vidé de sens les discours des élus, doivent être impérativement surmontés.
Mais comprendre la crise que nous traversons requiert de convoquer notre histoire, car la crise du politique n’est pas seulement économique et financière, elle est aussi et avant tout culturelle. La question est de savoir si nous sommes encore capables de faire à nouveau société politique, ensemble ? Capables de renouer avec un héritage humaniste républicain à notre disposition, d’utiliser ses ressources et le fruit de ses expériences pour concevoir un renouveau démocratique ? Un pays qui rend insignifiant son passé ne peut être capable de concevoir un avenir porteur d’espérance. C’est pourquoi l’enjeu est culturel, au sens où la France doit être à même de trouver dans son histoire, son patrimoine, les ressources pour affronter les nouveaux défis du monde contemporain.
Reconsidérons la culture, mettons fin à son déclin. La culture est un facteur de concorde et un puissant levier de la démocratie, surtout quand il s’agit de redonner toute sa vitalité à un régime, la démocratie, dont le pouvoir et la légitimité s’appuient à l’origine sur l’approbation du peuple. Pour cela, il est urgent de cesser la destruction de l’expérience, de réarmer l’appétence des citoyens pour la participation à la vie démocratique afin de réinscrire leurs voix au cœur des décisions politiques. Le peuple a besoin qu’on le laisse agir, que ses expérimentations et propositions innovantes éclairent ses élus et inspirent leurs politiques, surtout quand elles sont des réponses fortes et testées à différentes échelles, locales ou régionales. Ce serait l’avènement d’une réelle démocratie, non plus seulement participative, mais d’initiative, que de laisser à chaque citoyen la possibilité de s’impliquer dans les affaires publiques, dès lors qu’il serait prêt à en assumer les responsabilités. Ce serait un projet de société à construire en commun, un projet de société au sein duquel les décisions seraient évaluées en commun et dans le sens du bien commun. Un projet qui a le devenir citoyen comme guide. Une belle perspective à suivre avec patience et persévérance, pour ré-enchanter le monde.
Alors patientons et persévérons.
Par Cécile Calé. Agrégée d’Arts, Chercheur philosophie politique, Présidente du Cercle Spiridion ,Vice -Présidente Think Tank « Liberté et Prospective », en charge du Comité Stratégique et de la communication.
[1] Jérémy Rifkin, Une nouvelle conscience pour un monde en crise, Paris, Les liens qui libèrent, 2011.
[2] Pierre Rosanvallon, Le bon gouvernement, Paris, Seuil, 2015.
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